Ces deux CD-ROM, édités à trois ans d'intervalle, sont l'oeuvre d'un même groupe d'artistes, Die Veteranen, qui donne aussi son nom au premier titre. Jeu sur les formes, les couleurs, les sons, les images, le mouvement, le verbe, il n'y a apparemment pas de sujet dans Die Veteranen ou Venetian Deer autre que celui d'un jeu de piste. Chaque écran/tableau est autonome avec des interactions évidentes et d'autres cachées qui recèlent de charmantes surprises (trouvez la pièce de monnaie sous la lampe dans Die Veteranen). On effectue ainsi une sorte de ballade dans l'absurde, le non-sens à la Lewis Carroll, où la relation entre chaque tableau est ténue, le fil conducteur étant, dans les deux cas, un petit personnage énigmatique avec un grand imperméable gris et un chapeau, remplacé par une tête de cerf dans Venetian Deer.

L'esthétique légère, mélange d'infographie et d'images de synthèse, appartient à une techno-culture lissée, presque conventionnelle aujourd'hui. Son originalité repose sur une expression visuelle et sonore interactive particulièrement élaborée et subtile. Le travail sur le son y est remarquable. Dans le premier titre, chaque artiste conserve des "zones" propres, aisément identifiables, le second est plus homogène.

De nombreuses références, appartenant à différents niveaux de culture (cinéma, poésie avec T.S. Eliot, etc.), parsèment les écrans, plus ou moins cachées, comme certaines des interactions.

Construits selon une structure labyrinthique complexe, Die Veteranen et Venetian Deer explorent les diverses formes de navigation, d'interaction, d'interfaces (utilisation de la souris mais aussi d'un microphone et renvoie au web pour le second).

Si Venetian Deer laisse une place plus "ouverte" au public, notamment en offrant des sortes de "boîtes à outils" graphiques et sonores, ces deux oeuvres reposent sur le jeu et le plaisir de la découverte gratuite, comme une chasse au trésor où le but importe moins que la résolution des énigmes sur le parcous.

Extrêment ludiques, pleins d'inattendus, Die Veteranen et Venetian Deer fonctionnent à différents degrés de lecture selon le public (enfants ou adultes) et le temps que l'on veut bien passer. Inépuisables, ils doivent être vus et revus, savourés par petites doses successives, oubliés pour mieux les redécouvrir.